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SERIE: LES ERREURS A NE PAS FAIRE QUAND ON EST ARRANGEUR/REALISATEUR





ERREUR 3



OUBLIER LA MÉLODIE




Si un gamin te demande :

"Tu connais la chanson : " Aux Champs-Élysées ? "

Oui.

C'est comment ?


Et là tu chantes : " ooooh Champs-Élysées... ooooh Champs-Élysées..."


Et " Let it be ? "

"Let it be, let it be, let it be, ooh let it be..."


Et " Je te donne ? "

"Je te doooonne, ouh je te dooonne..."


Et la 5ème de Beethoven ?

" ta ta ta tam, ta ta ta tam..."


Vous l'avez compris, le seul moyen de transmettre rapidement à quelqu'un une chanson, c'est de lui chanter la mélodie.

La preuve ?

S'il vous demande le requiem de Ligeti, vous ne pouvez rien faire d'autre que de lui dire d'aller sur Spotify ou, éventuellement, de revoir le film "Shining" de Stanley Kubrick.

Ce qui n'enlève rien à la beauté de l'oeuvre, mais c'est juste que ce n'est pas une chanson.

Depuis la nuit des temps, la transmission orale est le moyen le plus court de toucher les gens.

Ce qui donne un avantage certain, pour capter une audience large, à des mélodies facilement mémorisables.


C'est d'ailleurs le principe d'un tube. Un mélodie qui te suce la tête, dont tu as du mal à te défaire et qui t'obsède, volontairement ou non d'ailleurs.


Il y a des tubes partout, même dans le classique.

La marche turque, la petite musique de nuit, la suite " Air", la lettre à Élise, L'hymne à la joie, la truite, le beau danube bleu, etc.

Des mélodies qui ne nécessitent aucun apprentissage par l'auditeur moyen et qui défient le temps.


Le principe même de faire de la musique pop, pop comme populaire, est donc bien de s'adresser à une majorité de personnes, sans qu'elles aient besoin de mode d'emploi pour décoder vos créations.

Ce qui laisse à penser qu'une chanson réussie, en terme d'audience et de plaisir donné à une majorité, est donc bien une chanson comprenant une mélodie facilement chantable, afin de pouvoir la transmettre oralement à ses petits copains.


Dans la musique populaire actuelle au sens large, pop ,rock, folk, variétés, dance, rap, urbain, etc., on a même codifié la partie de la chanson qui doit être mémorisable. Ça s'appelle le refrain.


Notons que la mélodie qui sert d'accroche pour reconnaitre une chanson, n'est pas exclusivement une mélodie stricto sensu d'ailleurs.

Ça peut être un riff instrumental (souvent dans le rock), une punchline de texte (dans le rap)

Une mélodie musicale (dans la dance music), un son particulier qui revient en signature, etc.

Tout ce qui pourra accrocher l'auditeur sans qu'il ait à réfléchir.


Sans réfléchir.


Justement.


Sauf que pour créer ça, il faut réfléchir beaucoup quand on est du côté du créateur.

Car créer une belle mélodie, c'est pas simple.


Ça se saurait.


Si c'était simple.


Ce qui me fait venir au coeur du sujet :

Le travail de l'arrangeur.

Rappelons que l'arrangement est la phase où on enrobe le bonbon avec un joli papier cadeau.

Que l'on soit le créateur de la mélodie ou que l'on reçoive une chanson à orchestrer et à produire,

Le danger est le même :

faire son boulot le plus consciencieusement possible, enrober, enrober, et...


Oublier la mélodie...


C'est comme entourer d'un joli papier cadeau, un bonbon au poivre.

Il sera joli, mais il aura toujours un goût de merde.


C'est pas toujours volontaire. On veut bien faire. Créer un climat, un son, une progression.

Mais on construit sur quelque chose que personne ne pourra retenir et on ne s’en rend plus compte, parce que, à force de travailler dessus, on ne voit plus que la mélodie est faible ou trop compliquée.

Elle nous prend la tête parce qu'on est dessus depuis des jours et on croit que, donc, c'est évident pour tout le monde.



Alors maintenant analysons encore une fois ce qui se passe dans 2 cas de figures distincts :

1 Vous êtes vous-même le compositeur, le créateur de la mélodie et aussi l'arrangeur de votre projet.

Posez-vous la question : combien de temps ai-je passé à chercher la mélodie ? L'ai-je assez pratiquée sans faire d'arrangement pour qu'elle soit solide par elle-même ?

L'ai-je faite écouter à des proches, avant l'arrangement pour savoir s'ils accrochaient ?

L'ai-je comparée à des modèles dans le genre pour tester son efficacité ?


Prenons un compositeur/réalisateur comme Max Martin. Pour ceux qui ne le connaissent pas, je vous invite à aller voir son palmarès. C'est un suédois. C'est pas sa faute.



C'est la personne qui a placé le plus de hits dans le top ten des charts américains de tous les temps. Avant les Beatles, avant Michael Jackson, etc.

Et au niveau N°1 placés, il est juste derrière les Beatles je crois.

Il explique en interview, le temps qu'il passe à créer une mélodie, pour Katy Perry, Taylor Swift et autres pop stars.

8 jours !

8 jours à ne penser qu'à ça. Faire sonner les mots, les sons, les syllabes, jusqu'à être sûr de son coup.


Avant de commencer à arranger le titre.


Tout le monde ne fait pas de la pop américaine et ses recettes peuvent ne pas s'appliquer à tout le monde.


Mais sa rigueur, oui.


Quel est l'intérêt de passer 8 jours à faire des cordes, des batteries, des arrangements sophistiqués, si on a pas pris le temps de bétonner sa mélodie ?


Rappelons comment le grand public apprécie les arrangements :


Il en a rien à foutre !


Parce qu'un bonne chanson, c'est celle que l'on écoute sur la plage, en mono, sur un mini- cassette à mon époque, sur une boombox maintenant, autour d'amis qui chantent à tue-tête la mélodie, bourrés ou pas.

Le son et les arrangements n'ont jamais passionné les foules. Juste les pros et ceux qui créent.


Attention ! Je ne dis pas qu'il faut bâcler le son et les arrangements.

Je dis qu'il faut soigner ses mélodies en premier.


2. Vous arrangez une chanson pour quelqu'un d'autre.

Vous n'êtes pas responsable de la mélodie, ni de l'interprète.

La tentation est grande de ne s'occuper que de sa partie, à savoir l'orchestration, le son, le mixage, et de fermer les oreilles sur le reste.

Si c’est une bouse, moi j’ai fait mon taf.


Mais peut-être que la clé pour devenir un arrangeur/réalisateur sur lequel on peut s'appuyer, c'est aussi de faire des propositions pour améliorer la mélodie. Quand c'est possible !


Ou bien mettre en valeur une punchline, créer un artifice musical qui va rattraper la pauvreté du refrain, proposer des choeurs pour gonfler le refrain, oser proposer de changer une note ou deux dans l'écriture mélodique, voire même dans le texte, etc.


Bref, s'impliquer dans la construction de la mélodie, si on pense qu'elle en a besoin.


Aucune des stars avec lesquelles j'ai travaillé ne m'a viré pour avoir osé proposer une modification de l'existant. Au pire, elle n'ont rien à faire de mon avis et on continue comme elles veulent. Au mieux, elles écoutent les propositions et on peut ouvrir le traitement de la chanson sur d'autres horizons.

Quand vous pensez, comme ça peut arriver assez souvent, que le couplet est plus intéressant que le refrain, qui du coup ne remplit donc pas sa fonction, il est de votre devoir d'arrangeur d'essayer de l'améliorer, ou de permuter des 2, ou tout artifice qui ne condamnera pas la chanson à une carrière médiocre, si vous pensez que c'est son destin, en ne faisant rien.


Ne pas oublier la mélodie !


Jamais. Même dans le jazz, la musique médiévale, la transe soufie, la prière collective, c'est la mélodie qui drive tout.

Même dans les génériques de films, ils ont compris que quand on n'a pas un générique de la force de Stars Wars, Mission impossible ou James bond, il vaut mieux faire appel à une chanson radio pour vendre la sauce.


Une chanson, avec une bonne mélodie...

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