Bonne question.
Il y a 2 mondes:
1: Le monde de Oui-Oui ou de Disney +
Qui correspond aux textes usuels depuis la création du droit d’auteur
2: Le monde réel
1: Le monde de Oui-Oui
Dans le monde de Oui-Oui, toujours en vigueur, l’arrangeur tire des ressources du droit d’auteur.
C’est facile à comprendre pourquoi.
A une époque où le créateur pondait sa mélodie dans sa salle de bain, seul un orchestrateur arrangeur diplômé pouvait écrire de manière créative les partitions pour l’orchestre qui allait jouer l’œuvre dans un bar ou un théâtre.
A partir du moment où le droit d’auteur est créé, et surtout la société des auteurs, qui se met en place pour faire payer les barmans, (voir l’histoire de la création de la SACEM) on partage les sous récoltés entre l’auteur, le compositeur, l’arrangeur et l’éditeur des partitions.
Simple.
Ce système, qui perdure de nos jours, prend tout son sens avec l’arrivée des enregistrements sonores.
Les DRM, droits de reproductions mécaniques sont donc aussi ventilés entre auteur compositeur arrangeur et éditeur.
Le barème usuel est le suivant :
Pour l’arrangeur :
Entre 8 et 12,5% sur les DRM prélevés sur la part compositeur des droits générés .
Pour les DEP droits d'exécution publique
1/12 sur les DEP, droits d’exécution publique, qui sont:
Concerts, télés, radios, toujours prélevés sur la part compositeur des droits générés par l’œuvre.
Comme c’est un contrat que l’on signe au moment de déposer l’œuvre à la société des auteurs (qui va collecter les droits)
On peut toujours changer un peu le % , ou négocier sur quelle partie des droits, vont être prélevés le % qui va à l’arrangeur (sur la part compositeur ou auteur ou éditeur).
Y compris sur les DEP,( depuis 2019)
Comme c’est un droit d’auteur, inaliénable,
la loi stipule que ce droit perdure 70 ans après la mort de l’auteur.
Le droit "moral", lui, reste pour l'éternité.
Ce qui veut dire qu'il est de bon ton de nommer le créateur à chaque utilisation.
Le droit d’arrangeur est préservé aussi du coup, puisqu'il est à ce titre un ayant-droit.
Pour des infos plus précises, je vous recommande l'excellent site de Nicolas Garnier
LOST IN PRODUCTION (qui toutefois ne parle pas spécifiquement des arrangeurs)
Ou bien sûr le site de la SACEM
Ça veut dire que les petits petits enfants de Georges Martin, qui a signé les arrangements de la chanson YESTERDAY des Beatles, peuvent encore aller passer leurs vacances aux Maldives.
Ok cool.
Le fait que les DRM, droits de reproduction mécanique, passent du 78 tours vinyle au 33 tours puis au CD, puis aux disques durs et au streaming, en ajoutant les CD vierges, clé usb (la copie privée) ne change rien pour l’arrangeur, qui perçoit son % quel que soit le support.
Ça c’est le modèle classique.
C’est ce qui m’a permis de vivre (pour une part) et d’exister en tant qu’arrangeur sur mon parcours.
Notons qu’il fallait passer un examen d’arrangeur à la SACEM pour être reconnu officiellement comme tel à l’époque.
Savoir développer une mélodie et l’harmoniser avec 5 instruments en écrivant les partitions de chaque pupitre.
2 : Le monde réel
Ça a commencé à vriller à partir du disco.
Époque où on commence à industrialiser la reprise d’anciens tubes en version dancefloor.
Nouveaux arrangements donc.
Mais on s’aperçoit que les chansons ont déjà un arrangeur originel. Pas possible de le virer. C’est pour la vie.
1 il faut donc payer le nouvel arrangement autrement
2 l’ancien arrangeur va toucher des droits même si son arrangement n’est pas utilisé
Et ça, ça fout en rogne les compositeurs (du moins certains) qui commencent à vouloir payer les arrangeurs comme de simples musiciens et non plus en droits d’auteurs, pour ne pas se les coltiner pour la vie.
Ça s’aggrave avec les samples utilisés dans le rap, sans payer aucun droit au début, et surtout avec l’informatique audio et la généralisation de la musique électronique proposant des boucles audio intégrées aux machines, libres de droit bien sûr.
Les arrangeurs actuels sont donc considérés comme des fabricants de loops musicales, comme des Garage Band où des Nexus sur pattes, qui proposent des patterns originales moyennant finance.
Une fois payés, c’est acheté. Pas question de droit d’auteur, qui lui, existe toujours par contre, mais qui est déclaré et perçu par le compositeur seul.
Pire, certains jeunes vendent directement leurs "sons" c'est-à-dire leurs compositions arrangées, sans déclarer de droits d'auteurs quelconques, comme on vend en direct un tableau ou du fromage; dans ce cas, c'est directement l'artiste voire le producteur qui déclare et perçoit les droits d'auteurs.
Si la chanson devient un tube international, ça pique un peu quand on l'a vendue 200 euros.
Bienvenue dans le monde réel.
il reste toujours des styles de musique qui ne pourront être faits à la machine, ou un bon arrangeur talentueux peut faire des miracles et sublimer une mélodie.
Mais faire comprendre au compositeur que ça mérite une part de droit d’auteur devient très difficile.
C’est pour cela qu’un "arrangeur" stricto sensu n’est plus un vrai métier. ( pécuniairement parlant)
1 Soit il est fournisseur de « son »
Comme un beatmaker, qui vend ses pattern au détail dans la musique urbaine
2 Soit il devient réalisateur
En s’impliquant plus profondément dans le projet, quand c'est possible, il obtient une 2ème casquette.
« Producer » en anglais, il va toucher son salaire de musicien, auquel sera ajouté un autre salaire de réalisateur, plus éventuellement des "points de royalties" ( un %) sur la vente des supports par la partie production négociée avec la maison de disque où le distributeur.
Exit le droit d’auteur
Exit les vacances aux Maldives pour les petits petits enfants.
Entre les partis pirates qui veulent abolir simplement le droit d’auteur, les coiffeurs et les Gafam qui ne veulent plus payer la musique, le téléchargement illégal, les perceptions en millièmes de centimes sur le streaming, et les radios qui contournent les quotas, (on peut aussi rajouter les épidémies)
Les créateurs ont mal à la tête.
S’il faut en plus s’occuper des atermoiements des arrangeurs ...
Finissons sur une note optimiste:
Si les fabricants d’arcs et de flèches ont pu se reconvertir avec l’arrivée de la poudre à canon, ainsi que les poinçonneurs de métro et les rémouleurs, gageons que les arrangeurs ne sont pas plus bêtes...
Et l’idée que j’entends parfois par certains, d’exiger des auteurs que soit reconnu le statut d’arrangeur comme il l’a été naguère, a pour moi autant de chance d’aboutir, que celle qui consisterait à obliger les Diplodocus à porter une salopette...
Croque-tout le Diplo
Bonjour
Merci pour ces éclaircissement. Je suis actuellement auteur compositeur interprète + producteur à 100% de tous mes titres et album. J'en assume aussi totalement les frais de promotion. Je travaille et m'entends très bien avec un nouvel arrangeur, et j'ai envisagé une répartition des droits 80/20....pouvez vous me dire ce que vous en pensez ?
Cordialement J I
Bonjour,
Merci pour cet article passionnant. Comment procédez-vous alors ? J'ai produit une quarantaine d'arrangements dans divers contextes, parfois pour des ensembles vocaux, parfois pour des formations musiques actuelles et je fournis du contenu réalisés en MAO également pour le théâtre. Bon je ne le fais jamais payé. J'ai essayé de soulever la question mais y a pas de budget y a pas de budget. Bon. Comment faire ? Je voudrais modestement pouvoir créer un site internet et les rendre disponible à l'achat surtout, bien-sûr d'abord il me faut l'autorisation des auteurs et paroliers mais ça c'est presque bon parce que j'ai fait beaucoup de Vian et certains de ses éditeurs sont hypers enthousiastes à l'idée que quelqu'un remue encore…